Votée le 20 juillet 2003, la loi Girardin est un dispositif mis en place par le gouvernement qui vise à soutenir le développement économique des territoires d’outre-mer.
Nous vous expliquons dans cet article comment fonctionnent ces différents volets ou dispositifs de cette loi et les réductions fiscales qu’ils permettent ; nous vous présentons également des exemples de calcul des réductions fiscales de cette loi, ainsi que les avantages, inconvénients et risques de celle-ci.
Commençons par un petit point sur son esprit.
L’esprit du dispositif Girardin
Les tissus économiques et particulièrement les entreprises de ces régions françaises souffrent d’un surcoût sur leurs opérations d’investissement, surcoût lié notamment à l’éloignement géographique.
Dans son esprit, la loi Girardin peut être comparée à la loi Pinel en Métropole. Il s’agit en effet d’un mécanisme incitatif à l’investissement dans un domaine spécifique s’adressant aux contribuables domiciliés en France. Il est organisé par les articles 199 undecies A à C du Code général des impôts.
Pour prendre en compte les différents besoins des territoires ultramarins ainsi que ceux des contribuables intéressés, la loi Girardin se décline en 2 volets : la loi Girardin Industriel et la loi Girardin Immobilier social pour investir dans l’immobilier.
Loi Girardin, comment ça marche ?Â
Le dispositif Girardin se déploie à travers des mécanismes et un cadre qui vise à contrôler de bout en bout le circuit d’investissement pour s’assurer qu’il atteint son but. Elle est organisée en deux volets sectoriels : un volet industriel qui encadre les placements dans le secteur industriel et productif, et un volet social qui encadre les placements dans l’immobilier.
Fonctionnement de la loi Girardin
En pratique, la loi Girardin crée des dispositifs de défiscalisation particuliers pour l’investissement dans les territoires ultramarins. Les contribuables français peuvent donc, à travers des montages spécifiques et sous le contrôle de l’administration, investir dans les DOM et les COM et obtenir en contrepartie une réduction de leur impôt sur le revenu (il existe également une version Impôt sur les Sociétés, permettant aux sociétés soumises à l’IS de réduire leur résultat imposable).
Ce montage est organisé de la manière suivante :
- Le contribuable qui va investir se fait accompagner d’une société d’investissement spécialisée qui va créer et gérer une société de portage.
- Cette société a pour objet d’investir dans un domaine éligible au dispositif Girardin. Elle reçoit l’argent du contribuable.
- Ladite société investit dans un ou plusieurs secteurs de l’économie, en mettant à la disposition d’entreprises ou entrepreneurs ultramarins des immobilisations (matériels industriels, bâtiments, etc.), dans le cadre d’un contrat à durée fixe et dans un cadre défini par l’État.
- Le contribuable bénéficie d’un allègement de son impôt sur le revenu proportionnelle à son investissement, la société et ses actifs sont cédés à l’exploitant ultramarin au terme du contrat.
La spécificité de la loi Girardin est qu’elle est le seul mécanisme de défiscalisation qui permet d’obtenir une réduction d’impôts supérieure à la somme investie. En fonction du montage mis en place, du montant investi et du secteur dans lequel l’investissement est déployé, la réduction d’impôt pourra représenter en moyenne 110 % à 120 % de votre investissement.
Fonctionnement du dispositif Girardin industriel
Les montages en Girardin industriel font intervenir plusieurs acteurs et peuvent être de plusieurs types.
Les acteurs
Pour mieux comprendre le fonctionnement du Girardin industriel, voici ses différents acteurs :
- Les contribuables investisseurs qui apportent de l’argent en vue de bénéficier de la loi Girardin défiscalisation particulier
- Une entreprise exploitante ultramarine, qui bénéficiera de l’investissement
- Un établissement de crédit ou une banque, qui octroie le prêt qui complète les apports des investisseurs
- L’État, garant du processus, qui vérifie l’exécution du projet et octroie la réduction d’impôt
- Une entreprise chargée de fournir le matériel
- L’entreprise, société spécialisée ou cabinet-conseil, qui fait l’ingénierie du montage, crée l’entreprise de portage et l’administre jusqu’à la fin du processus
L’investisseur qui veut profiter du volet industriel de ce dispositif investit donc dans une société de portage dont il devient associé (SNC) ou actionnaire (SAS). Cette entreprise est créée et gérée par un cabinet spécialisé qui contrôle tout le montage.
Les types de montages
Il existe deux cadres d’exécution du dispositif Girardin industriel :
- Dispositif Girardin de plein droit
Il concerne les investissements de moins de 250 000 euros. La société de portage procède à l’acquisition du matériel industriel ou réalise un investissement productif qui sera exploité par une société exploitante d’un territoire d’outre-mer.
Cet investissement est en général complété par un prêt bancaire, afin d’être entièrement réalisé. Il est possible qu’une même entreprise diversifie ses placements et contracte avec plus d’une entreprise exploitante.
- Dispositif Girardin avec agrément
Ici, les investissements sont d’un montant supérieur à 250 000 euros s’ils sont réalisés par une société de personnes ou supérieur à 1 000 0000 € s’ils sont réalisés par une société de capitaux.
La différence avec le type de plein droit est la nécessité d’un accord préalable de l’État. L’administration fiscale analyse le projet et s’assure en amont qu’il respecte bien toutes les exigences du dispositif.
Les scénarios à la fin du portage
Pendant la durée du portage, la société exploitante reverse des loyers à taux réduits (réduction minimale légale de 23,2 % sur le prix du matériel) à la société de portage. Le portage en lui-même dure un minimum de 5 ans. À la fin de l’opération, on peut avoir 2 scénarios aux résultats équivalents :
- La société de portage est cédée à la société exploitante qui devient donc propriétaire des investissements réalisés.
- Les investissements sont cédés à la société exploitante à un franc symbolique et la société est dissoute.
Pour le contribuable, la défiscalisation loi Girardin est acquise à partir du moment où la société d’exploitation commence à exploiter le matériel. La décote d’impôt est effectivement octroyée en août de l’année suivant celle du début d’exploitation et en une seule fois.
De plus, il faut noter que ce dispositif impose de réaliser des investissements neufs et exclut certains secteurs du champ éligible : c’est le cas du commerce, de la restauration, de la banque, de l’immobilier ou encore du conseil.
Il vise à renforcer l’offre de logement dans les territoires ultramarins. De façon similaire au dispositif industriel, le contribuable qui vise ici l’obtention d’un avantage fiscal doit investir dans une SNC (Société en Nom Collectif) ou une SAS (Société par Actions Simplifiée). Cette société aura pour objet de construire un logement neuf (ou plusieurs) ou alors d’effectuer des travaux de réhabilitation d’immeubles. Ces derniers doivent être destinés à la location et avoir été construits il y a plus de 20 ans.
La société de personnes constituée par les contribuables confie la gestion du logement à une SEM (Société d’Économie Mixte) qui sera chargée d’exploiter le logement. Ce logement doit être loué pendant 5 années (6 ans dans le cadre de la loi Girardin intermédiaire) à titre de résidence principale, pour qu’il y ait acquisition définitive de l’avantage fiscal. À la fin de cette période, la SEM devient propriétaire des logements pour un franc symbolique.
Un autre moyen de bénéficier de la défiscalisation via ce dispositif est d’effectuer une souscription dans les parts d’une SCPI (Société Civile de Placement Immobilier) dont le patrimoine immobilier sous contrôle est constitué au moins à 90 % de logements loués en résidence principale.
Ce dispositif vise la promotion de l’accès à l’immobilier pour une certaine catégorie d’investisseur. Ainsi, les loyers des logements financés dans le cadre de ce dispositif sont plafonnés. Dans certains cas, les revenus des potentiels locataires le sont aussi. Ces plafonds sont ajustés annuellement dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques – Impôts.
Territoires Ultramarins éligibles aux dispositifs Girardin
Les différents dispositifs Girardin s’appliquent dans les territoires ultramarins. Seulement, en fonction des besoins spécifiques à chaque île, région ou commune, ainsi que relativement à la structure du tissu économique de chaque zone, les deux dispositifs ne sont pas applicables pour les investissements effectués dans l’ensemble de ces territoires ultramarins.
Ainsi, le dispositif industriel s’applique aux DOM-COM suivants :
Guadeloupe | Guyane |
Martinique | La Réunion |
Mayotte | Nouvelle-Calédonie |
Polynésie française | Saint-Barthélemy |
Saint-Martin | Saint-Pierre-et-Miquelon |
Terres australes et antarctiques françaises | Wallis-et-Futuna |
Quant au dispositif social, les investissements donnant droit à la défiscalisation peuvent être réalisés dans les DOM-COM suivants :
Polynésie française | Saint-Barthélemy |
Saint-Martin | Saint-Pierre-et-Miquelon |
Nouvelle-Calédonie |
La réduction fiscale de la loi Girardin
La connaissance du fonctionnement du dispositif et le respect des principes édictés par l’administration dans le cadre des investissements permettent de s’assurer de bénéficier d’une réduction d’impôt. Seulement les investissements réalisés le sont « à fonds perdu » : ils ne génèrent aucune forme de retour sur investissement, en dehors des avantages fiscaux. Il est donc important de bien calculer en amont quel est le montant exact de la réduction qu’on obtiendra, que l’on soit en volet industriel ou en volet social.
La réduction fiscale du Girardin industriel
Le taux de réduction d’impôt dans le cadre du dispositif industriel oscille entre 45,3 % et 63,42 %. Cette variation est liée à différents facteurs comme la nature du projet, son montant ou encore sa localisation.
La base de calcul sur laquelle ce taux est appliqué est le coût réel et définitif du projet, et non l’apport financier du contribuable. Ce coût prend donc en compte le financement bancaire et les frais de gestion.
Une fois calculée, la réduction d’impôt est distribuée à chaque contribuable au prorata de son investissement au capital de l’entreprise. C’est cette complexité qui rend nécessaire le recours à une entreprise experte en défiscalisation loi Girardin outre-mer pour arriver à définir à partir d’un apport donné le montant de la réduction générée.
Avec le dispositif Girardin social, le taux de réduction est de 50 % et il est appliqué sur le coût de revient du ou des immeubles objet de l’opération d’investissement. Il faut noter dans ce guide ou cet avis loi Girardin que le coût de revient de l’immeuble peut être largement supérieur à la somme des apports des associés. La SAS ou SNC peut recourir à un emprunt bancaire qui viendra compléter l’investissement des contribuables.
La réduction d’impôt dans ce dispositif est due au titre de l’année fiscale à laquelle les fondations de l’investissement immobilier locatif sont réalisées. Son acquisition s’effectue en un bloc. Dans le cas où la réduction d’impôt est supérieure à l’impôt à payer pour l’année fiscale, il n’est pas possible d’obtenir des crédits d’impôt. Par contre, le solde restant de la réduction peut être étalé sur les 5 années fiscales qui suivent, jusqu’à épuisement.
Exemple de calcul de réduction fiscale en loi Girardin
Après cette présentation des principes de calcul de la réduction évoqués, il faut préciser qu’en France, les niches fiscales sont soumises à plafonnement. Il est donc important de bien maitriser quel est son plafond actuel avant de définir un montant à investir. En effet, si un foyer fiscal investit une trop grande somme, de sorte à dégager un avantage fiscal supérieur à son plafond, ce surplus est définitivement perdu.
Voyons à présent comment se calcule le plafonnement des réductions et illustrons le calcul des réductions en dispositif industriel et en dispositif social.
Calcul du plafond de la niche fiscale dans le cadre du dispositif Girardin
Dans le cadre du dispositif Girardin, le plafond de la niche fiscale est de 18 000 euros. Mais en pratique, le montant maximal de la décote d’impôt à laquelle un contribuable peut prétendre est supérieur à cette somme.
Dans le cadre d’un volet industriel, le pourcentage de l’investissement vient augmenter le plafond de la niche fiscale du contribuable. Un mécanisme similaire existe avec le volet social. Ainsi :
- Pour un investissement en Girardin industriel de plein droit, le taux de rétrocession est de 66 %. Le maximum de la réduction à laquelle le contribuable peut avoir droit est de 18 000 euros/34 % = 52 941 euros.
- Pour une opération d’investissement en Girardin industriel avec agrément, le taux de rétrocession est de 56 %. Le maximum de la réduction à laquelle le contribuable peut avoir droit est de 18 000 euros/44 % = 40 909 euros.
- Pour un investissement en Girardin social, le taux de rétrocession est de 30 %. Le maximum de la réduction à laquelle le contribuable peut avoir droit est de 18 000 euros/70 % = 25 714 euros.
Exemple de calcul de la réduction d’impôt du dispositif Girardin
Nous illustrerons le calcul de la réduction d’impôt Girardin avec ce cas dans le volet social.
Julien et Anne forment un couple et leur foyer fiscal doit reverser 55 000 euros au fisc en 2022. Ils ont supporté 4 000 euros de frais de garde annuels pour leur petit dernier, Loïc. Ils veulent investir avec d’autres connaissances dans une SNC (Société en Nom Collectif) qui va construire un immeuble d’habitation à Saint-Martin dans le cadre de la loi Girardin sociale. Ils disposent de 19 000 euros à investir. Le cabinet spécialisé qu’ils ont contacté leur propose un montage qui offre 118 % de rendement fiscal.
- Calcul de leur plafond fiscal (PF) :
PF = (18 000 – 4 000)/0.7= 20 000 euros
- Calcul de la réduction obtenue (R) :
R = 19 000×118 % = 22 420 euros
Ce couple obtiendra en investissant 19 000 euros avec ce cabinet une somme supérieure à leur plafond. Ils perdront donc 2 420 euros d’avantage (R-PF = 22 420 – 20 000 = 2 420). Leur réduction d’impôt pour cet investissement sera de 3 420 euros (Réduction – Investissement = 22 420 – 19 000 = 3 420). La somme F qu’ils devront verser au fisc est de :
F = 55 000 – 4000 – 3420 euros = 47580 euros.
Les risques liés à la loi Girardin
Plusieurs risques sont associés aux investissements défiscalisés dans le cadre du dispositif Girardin :
- Risque légal : les différents règlements et texte loi Girardin évoluent dans le temps. Ces changements augmentent la probabilité de non-respect des contraintes légales et donc de remises en cause de l’impôt.
- Risque d’exploitation : il s’agit de la probabilité que l’entreprise exploitante ne respecte pas son cahier de charges ou que les investissements sont faits hors des normes prévues (matériel d’occasion, secteurs exclus de la loi).
- Risque de contre-performance de l’ingénierie : cette catégorie de risques se réaliserait si le montage est non conforme à la règlementation (entrainant un redressement) ou ne parvient pas à générer la réduction attendue.
- Risque lié à l’attitude du contribuable : certaines obligations engagent le contribuable lui-même. Au cas où elles ne sont pas respectées, il peut y avoir annulation de la réduction et redressement. Il s’agit par exemple de la nécessité de conserver les parts des sociétés créées pour l’investissement pendant 5 ans, ou encore la durée de location des logements dans le cadre du dispositif intermédiaire.
Loi Girardin : avantages et inconvénients
Le dispositif Girardin présente incontestable d‘alléchants avantages, mais aussi des limites ou inconvénients qu’il ne faut pas négliger. Voici un aperçu de ses principaux avantages et inconvénients.
- Accessible à partir de faibles montants d’investissement
- Seul dispositif incitatif d’investissement offrant une réduction de plus de 100 % sur le montant investi
- Possibilité d’étalement de l’avantage obtenu sur 5 années fiscales
- Investissement à fonds perdu
- Complexité du montage de l’opération
- Risque de redressement important avec un montant souvent supérieur au montant du placement initial (pénalités).
Conclusion
La loi Girardin  est un outil pertinent de développement pour les territoires ultramarins et un moyen intéressant de réduire ses impôts pour les contribuables ayant un fort impôt sur le revenu. S’il permet des réductions importantes avec un plafond relativement élevé, sa complexité augmente la probabilité de subir un redressement. Il faut donc s’engager avec un conseil fiable et expérimenté, et obtenir de préférence de ce dernier une garantie de bonne fin.