Se tirer du doux sommeil, arrêter le douloureux grincement du réveil en agrippant son téléphone posé soigneusement sur sa commode. Embrayer avec une cascade de notifications nocturnes à éplucher, puis un petit vagabondage sur le continent des réseaux sociaux, tout cela avant d’avoir même foulé un pied sur le parquet…et d’emblée, la traîne interminable du retard commence.
Commence alors le périple vers le lieu de travail, le smartphone comme compagnon inaltérable dans les transports. L’écran illuminé devient la ligne de mire, le travail et le retour à la maison ne sont que des parenthèses dans ce ballet inépuisable. Une comédie, un drame à l’écran, mais l’œil attiré, presque malgré lui, toujours par cet objet de fascination.
Le coucher est le dernier ballet de cette danse omniprésente. Les confirmations des réveils à venir, un ultime coup d’œil sur le monde des réseaux sociaux, un engrenage de vidéos sur TikTok, une dérive sur Instagram ou Twitter. Agonie d’un sommeil trop tardif, renaissance d’une fatigue corrosive, un cycle vicié se répète, une spirale qui semble sans fin.
Tu es constamment connecté
Ce tourbillon démentiel, je l’ai enduré pendant des années. Et loin d’être le seul. Une étude récente du groupe Data.ai a établi que nous avons déjà envahi nos smartphones pour 2 500 milliards d’heures durant le premier semestre de l’année 2023. Un chiffre impressionnant qui affiche une augmentation de 4% par rapport à l’année précédente et ne concerne que les mobiles fonctionnant sur le système Android.
En France, la donnée est tout aussi alarmante : chaque personne consacre en moyenne four heures par jour à son téléphone. Quatre heures invraisemblables !
Mon métier, chroniqueur de technologie, ne facilite certainement pas ma déconnexion. Mon téléphone et mon ordinateur sont les extensions de ma conscience professionnelle. Pendant mes heures de travail, je suis inévitablement en ligne, continuellement sous tension. Mais au fur et à mesure que je revisite les applications de mes plus longues flâneries, je réalise que ce ne sont pas celles dédiées à la productivité qui monopolisent mon attention.
L’expression “Tu ne lâches jamais” résonne souvent dans les réprimandes de mon entourage. À la lumière de la dernière observation de ma compagne, j’ai donc opté pour un changement radical. Irrité, probablement. Honteux, certainement. Subjuguer par mon smartphone, jamais plus. J’ai donc mis en branle une série de stratégies d’évasion, jusqu’à perdre peu à peu mon attirance compulsive pour ce fichu appareil.
Le coffret ensorcelé
En ces temps de grands discours, ce sont les grands antidotes qui sont requises. Avant de plonger dans ce protocole de désintoxication électronique, votre serviteur a effectué une recherche exhaustive sur les techniques existantes. De l’excès de zèle ? Je vous demande humblement pardon. J’ai visionné des centaines d’heures de contenus vidéo, épluché des milliers de pages d’articles, recueilli des jugements, rassemblé des témoignages… un dernier bain de technologie avant de me jeter dans le grand bain de cette expérience.
Si je m’engage dans cette voie, autant adopter la méthode la plus radicale. J’ai donc suivi l’exemple des gourous du minimalisme pour restructurer mon espace de sommeil. Je dis adieu à mon téléphone sur la table de nuit. À la place, une élégante enceinte connectée sert de réveille-matin.
Mon portable, soigneusement rangé dans un coffret à la fin de ma journée de labeur, reste en hibernation jusqu’à l’aube suivante. Mon réveil est donc dénué de toute intrusion numérique. Je me suis imposé comme règle de ne pas succomber à la tentation de mon téléphone avant d’avoir savouré mon café ou mon petit-déjeuner, partagé des moments précieux avec mon rejeton et mon épouse.
L’angoisse liée à cette séparation s’estompe après quelques jours seulement.
Cet idéal matinal, je l’avoue, doit parfois céder aux contraintes de mon emploi du temps. De temps à autre, je cède à la compulsion de checker mon smartphone durant mon café, afin de me tenir informé et préparer la journée des collaborateurs de Blog-citron. Mais une fois cette tâche accomplie, je renoue avec la tranquillité en replaçant le téléphone dans sa boîte, geste essentiel pour ne pas replonger.
Que je travaille depuis la maison ou sur place, à la rédaction, le portable n’intervient dans ma routine qu’à partir du moment où la phase « boulot » s’enclenche. Bien que la journée ne m’impose aucune restriction, elle ne vient pas pour autant combler le vide. Ce sentiment d’absence, il se résorbe après quelques jours à peine. Une semaine plus tard, il n’était plus qu’un lointain souvenir. Mieux encore, je constate un apaisement significatif en fin de journée.
Le soir venu, après une journée de travail, le rituel se poursuit. Le téléphone réintègre son coffret et je m’abandonne à la quiétude familiale. Je mitonne des plats, savoure chaque instant du film ou de la série que je regarde aux côtés de ma douce moitié, et m’endors sereinement après avoir dévoré quelques chapitres de mon livre du moment.
Restez Ferme
Incontestablement, l’introduction de ces nouvelles habitudes dans ma vie m’a apporté un vent de positivité. Que ce soit la qualité de mon sommeil, qui s’est grandement améliorée, ou les instants précieux passés en compagnie des êtres qui me sont chers, mon existence en a été égayée. Plutôt que de rester hanté par l’obsession de scroller sur les médias sociaux, j’ai désormais le loisir de m’instruire ou de m’offrir un peu de détente. Considérez simplement le nombre d’actions que l’on peut accomplir en économisant quatre heures de notre temps d’écran quotidien!
Était-ce une métamorphose aisée à opérer? Je serais malhonnête de prétendre que oui. Des moments de vulnérabilité arrivent, comme lorsqu’il s’agit de capturer un instantané de ma famille. Ou lorsqu’une conférence professionnelle requière ma disponibilité en dehors des heures de travail, mon téléphone est mon fidèle compagnon. Oui, parfois je m’épuise à sombrer dans mes anciennes habitudes – je laisse mon esprit se déconnecter, tout comme auparavant.
Il convient toutefois de remarquer que ces incidents sont loin d’être la norme. Ils se font aussi rares que les occasions de m’adonner à une cigarette en soirée – une autre addiction dont j’ai réussi à me débarrasser depuis maintenant trois ans.