La révision des droits de succession fut un engagement de campagne porté par Emmanuel Macron. Bien que cette réforme n’ait probablement pas lieu en 2024, il se pourrait qu’elle se matérialise avant la fin du terme présidentiel. À présent, qui est concerné par les droits de succession et quel est leur coût ? Elevons le voile sur ce mystère.
L’élection présidentielle de 2022 a mis sur le tapis des propositions pléthoriques sur la fiscalité successorale. Parmi elles, celle du candidat Macron affirmait vouloir revoir ce dispositif..
« Exonération totale d’impôts sur les successions jusqu’à 150 000 euros pour chaque enfant, et absence d’impôts sur 100 000 euros légués aux autres membres de la famille (petits-enfants, neveux, nièces, et autres) » – c’était ainsi que s’articulait l’engagement du chef de l’Etat. Une promesse qui, selon les échos du Figaro, risque de ne pas être tenue en 2024. Néanmoins, elle pourrait être concrétisée avant fin du mandat présidentiel, selon de nombreux fidèles du Président. En attendant, penchons-nous sur le fonctionnement de ces fameux droits de succession, souvent perçus comme controversés.
Quand pourrez-vous léguer jusqu’à 150 000 euros à vos enfants sans payer d’impôt ?
1 – Qui est concerné ? Et pour quelle somme ?
Les droits de succession – ou plus précisément les droits de mutation – représentent une taxe à acquitter par l’héritier ou le légataire. Du moins, dans le cas où il existe des droits à verser. En effet, selon le lien de parenté avec le défunt, la situation peut considérablement varier. Première hypothèse : vous êtes l’ayant droit de votre conjoint ou conjointe (par mariage ou via un Pacs) : Vous n’avez alors aucun droit de mutation à payer.
Envisageons maintenant le cas le plus fréquent : l’héritage parental. Chaque enfant, suite au décès d’un de ses parents (ce qui est qualifié de « ligne directe »), dispose d’un abattement de 100 000 euros. Illustrons cette situation : Mme X décède et laisse derrière elle 3 enfants, J., L. et R. Son patrimoine est de 300 000 euros et il est réparti de façon équitable entre les 3 enfants. Aucun d’eux ne doit s’acquitter de droits de mutation. De la même façon, si M. Y perd tous ses deux parents simultanément, l’abattement relatif à son père et à sa mère se cumule et il n’a aucun impôt à régler pour les premiers 200 000 euros.
Lorsque les montants hérités dépassent cet abattement, il est alors question de part taxable. Il s’agit de la partie de l’héritage qui est soumise à une imposition. Voici le barème à appliquer APRÈS abattement, en ligne directe.
Part taxable après abattement | Taux d’imposition |
---|---|
Inférieure à 8 072 € | 5% |
Entre 8 073 € et 12 109 € | 10% |
Entre 12 110 € et 15 932 € | 15% |
Entre 15 933 € et 552 324 € | 20% |
Entre 552 325 € et 902 838 € | 30% |
Entre 902 839 € et 1 805 677 € | 40% |
Au-delà de 1 805 677 € | 45% |
Illustrons la situation : Sophie et Marc héritent chacun de 150 000 euros suite au décès de leur mère Isabelle, soit un total de 300 000 euros. Les droits de succession pour chaque héritier se calculeront comme suit :
- 100 000 euros = 0 euro d’impôt (correspondant à l’abattement)
- 8 072 euros imposés à 5% = 403,60 euros
- 4 037 euros imposés à 10% = 403,70 euros
- 3 823 euros imposés à 15% = 573,45 euros
- 34 068 euros imposés à 20% = 6 813,60 euros
Chaque héritier doit donc verser 8 194 euros. Les 150 000 euros légués à Marc et ceux accordés à Sophie deviennent chacun 141 805 euros. En somme, 5% du capital légué est consacré aux impôts.
Information à retenir. Il existe un outil de simulation pour le calcul des droits de succession sur le site du Service-public.
L’abattement le plus avantageux est celui qui concerne les ayants-droit les plus courants : les enfants. Cet abattement de 100 000 euros est également applicable aux parents et grands-parents qui héritent de leurs descendants.
En revanche, initialement réduit pour les petits-enfants héritant de leurs grands-parents (abaissement à 1 594 euros), l’abattement remonte à 100 000 euros si le petit-enfant hérite « par représentation », c’est-à-dire s’il reçoit l’héritage en l’absence de son parent qui aurait dû légitimement toucher la succession, mais qui est déjà décédé.Dans le cas où deux descendants directs, frère et soeur, bénéficient d’un legs par représentation, ils divisent l’abattement de 100 000 euros entre eux : ils jouissent donc d’une baisse d’impôt initiale de 50 000 euros chacun avant l’application du barème susmentionné.
Néanmoins, les réductions fiscales et les barèmes sont nettement moins avantageux pour les héritages qui n’émanent pas d’une lignée directe.
Relation familiale | Réduction | Barème après réduction |
---|---|---|
Entre conjoints ou partenaires civils | Exemption | |
Enfant | 100 000 € | Barème des droits en ligne directe |
Frère ou sœur | 15 392 € | 35% jusqu’à 24 430 € de part imposable 45% au-delà |
Neveu ou nièce | 7 967 € | 55% |
Petit-enfant | 1 594 € | Barème des droits en ligne directe |
Autre héritier ou légataire (y compris les parents au-delà du 4ème degré) |
1 594 € | 60% |
Considérons, pour illustrer notre propos, le cas d’Akim qui reçoit en héritage 10 000 euros de sa marraine Elizabeth avec laquelle il n’a pas de liens de parenté. Dans cette situation, le taux est de 60% après un abattement de 1 594 euros : suite à l’application des droits de mutation, le montant qui lui revient s’élève donc à 4 956 euros.
2 – Quelles exonérations, dérogations et réductions sont actuellement en vigueur ?
Il existe une pléthore de mécanismes permettant de diminuer ou d’éviter totalement les droits de succession, compliquant d’autant plus la compréhension et la lisibilité du système. La première exonération, et l’une des plus courantes, s’applique en cas de succession entre conjoints ou partenaires de PACS : aucun droit de mutation ne vous est imputé.
De plus, toute personne handicapée (handicap physique ou mental) bénéficie d’un abattement spécifique de 159 325 euros.
Autre réduction couramment utilisée : 20% de la valeur du domicile principal du défunt est exonéré de droits de succession. Cependant, l’exemption ne s’applique que si le défunt résidait effectivement dans le logement au moment de son décès. Par exemple, si le défunt réside dans une maison de retraite ou un Ehpad au moment du décès, son conjoint ou partenaire de PACS doit encore habiter le logement concerné pour bénéficier de l’exemption.
L’assurance-vie est non seulement un produit d’épargne, mais aussi une enveloppe fiscale qui échappe à la taxation des successions ! À la mort du titulaire de l’assurance-vie, chaque bénéficiaire bénéficie d’un abattement de 152 500 euros. Les sommes transmises ne sont donc pas incluses dans le calcul des droits de succession mentionnés précédemment. Nuance importante à souligner : cet abattement s’applique uniquement aux sommes versées avant les 70 ans du titulaire. Au-delà, l’avantage est limité.
Fiscalité de l’assurance vie en cas de décès
Dans l’arsenal de stratégies visant à contourner les droits de succession, on trouve également les “Pactes Dutreil” qui offrent une remise de 75% sur la fiscalité lors de la transmission de biens professionnels. Le Conseil d’Analyse Économique (CAE), organisme adossé au Premier ministre, souligne dans une note très remarquée intitulée “Repenser l’héritage” que “Les pactes Dutreil sont probablement le dispositif fiscal dont les effets se concentrent le plus dans le haut de la distribution des héritages, du fait de l’extrême concentration des biens professionnels”. Le CAE mentionne également la donation en nue-propriété (transfert de la nue-propriété d’un bien de son vivant tout en conservant l’usufruit, c’est-à-dire le droit de vivre dans le cas d’un bien immobilier) parmi les principaux dispositifs permettant d’éviter ou de réduire l’impôt sur les successions.
Anticipation de la succession par le biais de donations
Il n’est pas nécessaire d’attendre jusqu’à la fin de sa vie pour faire don de montants significatifs à ses enfants ou petits-enfants. Cependant, il faut savoir que effectuer une donation à l’approche de sa fin de vie n’exempte en rien des droits de succession : chaque donation effectuée dans les 15 ans précédant le décès est incluse dans le calcul.
Cependant, toute donation datant de plus de 15 ans au moment du décès est “effacée”, du point de vue fiscal. C’est à noter que si vous envisagez de transmettre des sommes à vos enfants, une réduction de 100 000 euros s’applique par enfant tous les 15 ans.Avec l’exemption de 31 865 euros sur les dons familiaux, vous pouvez envisager de transmettre jusqu’à une somme d’environ 130 000 euros à chacun de vos enfants tous les 15 ans, sans toucher à votre portefeuille pour payer des impôts, à condition que vous soyez encore loin de votre lit de mort. De ce fait, démystifions ce que disent les impôts : ce pactole que vous pouvez offrir à vos progénitures sans débourser un sous.
3 – Statistiques : Qui prend effectivement en charge les droits de succession ?
J’aimerais partager quelques chiffres qui pourraient vous être utiles. Pour commencer, actuellement, c’est à l’âge moyen de 50 ans que les Français reçoivent un héritage. Une moyenne qui s’accroît avec le prolongement de l’espérance de vie.
De plus, le partage des sommes transmises entre les générations est équitable avec un peu plus de 50% provenant des successions et le reste provenant des donations. Cela signifie que l’argent offert provient généralement des parents ou des grands-parents encore en vie.
Le Conseil d’analyse économique souligne que l’immense majorité (85% à 90%) des successions en ligne directe – c’est-à-dire celles qui comptent au moins un enfant en tant qu’héritier – ne sont pas sujettes à l’imposition. En revanche, due aux taux d’imposition plus élevés hors du cercle familial proche, “les transmissions en ligne indirecte représentent une part considérable des droits prélevés par l’État, bien qu’elles ne concernent qu’une faible minorité des successions (plus de 50% des droits pour moins de 10% des flux successoraux totaux)”, explique le CAE dans son étude.
Il y a quelques années, un autre organisme public, France Stratégie, s’est concentré sur la fiscalité de l’héritage en commandant une enquête d’opinion au Crédoc. Le rapport montre une divergence significative entre la perception et la réalité de la fiscalité de l’héritage : “Les personnes interrogées pensent en moyenne que, pour les personnes mariées ou pacsées, les transmissions sont imposées à 22%… alors qu’elles ne le sont plus depuis 2007. Elles sont la plupart à croire que le taux d’imposition effectif moyen sur les actifs transmis en ligne directe est supérieur à 10% alors qu’il était de 3% en 2016 (et de 5% pour l’ensemble des actifs transmis). La fiscalité des transmissions est donc largement mal comprise et exagérée.”